J'ai rencontré Céline Parsoud

Dans le cadre de ma Thèse Professionnelle #MBAMCI ayant pour thème l’entrepreneuriat des Femmes dans le digital, j’ai rencontré Céline Parsoud, Présidente de Women’up, première association 100% mixte qui tente de faire évoluer la mixité, la place de la génération Y et l’entrepreneuriat dans notre société.

 

Ancienne Cheffe de Projet Digital au sein du premier groupe de média français, où elle passera plus de 5 années, Céline décide de créer en 2017 sa propre entreprise, Gender-Busters, qui a pour but d’accompagner les organisations dans les derniers kilomètres vers la mixité.

Un grand merci à Céline, jeune femme entrepreneure passionnée et passionnante, de m’avoir accordé de son temps ainsi que m’avoir donné autant d’éléments sur le sujet.

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Bonjour Céline. Tout d’abord est ce que tu peux me parler un peu plus de ton parcours ?

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Bonjour Jérôme. Après mes études en école de commerce, j’ai passé un peu plus de 5 ans au sein du Groupe TF1 en tant que chargée d’étude Marketing puis Cheffe de projet Digital. Parallèlement, je me suis engagée dans l’association Women’Up dès 2014, prenant conscience du fait que je pouvais avoir un impact pour l’Egalité F/H, et que si je voulais faire avancer les choses et surtout le faire à ma manière, personne ne le ferait à ma place.

En 2016, j’ai quitté TF1 et j’ai repris mes études en sciences sociales du genre à la Sorbonne en tentant l’aventure freelance en parallèle. J'ai ensuite décidé de lancer ma boite il y a un peu plus de 10 mois.

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Quels sont à ton avis les enjeux de la mixité dans les entreprises aujourd’hui en 2018 ?

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Au-delà des sujets d’égalité et de parité, le constat est simple : en France, seulement 17% des métiers sont mixtes, il y a un vrai manque de vivier de talents pour les entreprises. Particulièrement dans le digital. Ce problème est valable pour les hommes mais c’est pire chez les femmes où leur proportion est à la baisse. Il y a très peu de femmes dans les écoles de code ou d’informatique, donc tout l’enjeu pour les entreprises et les écoles est d’arriver à comprendre comment être attractives auprès des étudiant.e.s et comment leur donner envie d’aller dans ces filières.

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Qu’est-ce que Gender-Busters?

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Gender Busters, c’est un cabinet de créativité, à mi-chemin entre le cabinet de conseil et l’agence de communication, qui accompagne les organisations autour de leurs enjeux de mixité, et notamment de mixité des métiers. J’interviens auprès d’entreprises ou d’écoles, qui sont le plus souvent déjà sensibilisées à la mixité, mais à qui il manque les derniers leviers essentiels pour faire aboutir leurs démarches et obtenir de vrais résultats. Ces leviers sont souvent liés à des problématiques de communication, qui joue un rôle crucial dans l’égalité F/H. On a tendance à se contenter de signer une charte Diversité et de faire un évènement chaque année pour le 8 mars en pensant que la mixité arrivera par enchantement, alors qu’il faut aller bien au-delà si on veut amorcer un vrai changement durable.

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Comment procèdes-tu pour accompagner ces entreprises ?

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La première étape c’est de réaliser un audit de la marque employeur. Je scanne la manière dont l’organisation orchestre sa communication auprès de ses futur.e.s et actuel.le.s collaborateurs.trices. Je réalise aussi des entretiens en focus group, idéalement avec des candidat.e.s ayant passé les recrutements pour savoir ce qu’elles.ils pensent de sa communication, si elles.ils se reconnaissent dans les valeurs véhiculées par la boite et si elles.ils décèlent facilement des opportunités de carrières mais aussi, des personnes qui ont déjà intégrées ces structures. Ensuite, le vrai travail commence : je m’appuie sur cette analyse préliminaire et sur mon expérience passée pour proposer de nouveaux axes de communication et mettre en place des opérations visant à mieux communiquer sur les métiers. Cela passe par de la production de contenus digitaux, le retravail de leurs offres de jobs, la construction de programmes de formation dédiés et l’organisation d’événements.

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On parle beaucoup d’intraprenariat voir de freelancing dans les entreprises aujourd’hui. Penses-tu que la gestion des R.H. est en train de changer ?

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Le monde des RH et plus globalement la notion d’engagement à l’entreprise est totalement en train de changer. C’est vrai que de plus en plus de personnes souhaitent devenir leur propre patron, même s’il persiste une sorte de mythe de l’entrepreneur dans leur esprit. Cela étant, si les grandes entreprises commencent à se mettre au free-lancing, notamment par soucis de flexibilité, je remarque que bon nombre d’entre elles restent très attachées au CDI, souvent les plus petites d’ailleurs. Leur but : capitaliser sur l’équipe (c’est d’ailleurs ce que recherche les fonds). C’est aussi pour cela que l’on voit de plus en plus d’intrapreneur.e.s, les entreprises ont compris qu’il fallait laisser une liberté plus importante à leurs salarié.e.s tout en les gardant engagé.e.s envers elles. En revanche, pour le moment, je n’ai pas l’impression que ce modèle soit possible à grande échelle.

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Tu parles de mythe de l’entrepreneur : peux-tu développer ?

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Nous avons tous en tête des grandes figures de l’entrepreneuriat : Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zukerberg. Sorte de héros contemporains, autour desquels on a construit le storytelling du mec entrepreneur dans la Sillicon Valley un peu atypique, qui monte sa startup dans son garage avec une bande potes.

Ça me fait d’ailleurs penser au bouquin de Joseph Campbell : « The Hero With a Thousand Faces » qui fait un parallèle entre notre représentation contemporaine des héros type Star Wars et le schéma historique des héros de l’antiquité grecque. Finalement on se rend compte que le storytelling des grandes réussites du numérique est souvent basé sur ce modèle.  Sauf que, comme tu peux le constater, il n’y a aucune femme qui ait une histoire comparable ou en tout cas que l’on ait médiatisée. C’est donc beaucoup plus difficile pour une femme d’arriver à s’identifier à cette représentation et de se projeter dans ce modèle.

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À ton avis qu’est ce que le digital a permis d’émanciper dans l’entrepreneuriat ?

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Je pense que le digital et son lot de success story a surtout permis de libérer une volonté d’entreprendre, au-delà du fait qu’il est devenu beaucoup simple de monter une boite. Plus concrètement pour les femmes, le digital leur a sans doute permis de résoudre une partie de la problématique de gestion de temps de vie et probablement de mieux réseauter. Parce que c’est plus simple à faire avec les outils que nous offre le numérique et que les femmes sont en général moins habituées à réseauter en face to face. Ceci étant, on remarque, y compris dans le digital, que les femmes sont toujours « cantonnées » à certains domaines d’activités : ceux du care, du social, du service, de la mode, de la décoration par exemple.

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Mais alors selon toi, quels sont les freins qui bloquent la mixité dans l’entrepreneuriat ?

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Tout n’est qu’histoire d’éducation, de croyances limitantes et de représentations. Malheureusement, on remarque que dans nos sociétés, tout ce qui est féminin est très souvent dévalorisé. Ces biais sont l’héritage d’une éducation que nous avons tou.te.s reçu. Et cela se répercute dans l’entrepreneuriat comme ailleurs : les femmes franchissent moins le pas de l’entrepreneuriat souvent par manque de confiance, il est plus compliqué pour elles d’aller taper à la porte des fonds d’investissements (préférant les financements par crowdfunding), elles voient souvent moins grand dans leurs projets, restant dans des secteurs plus « féminins » comme je disais, qui sont moins valorisés… Cela ne veut pas dire que c’est « mal », ça veut juste dire que dans l’entrepreneuriat comme ailleurs il faut se conformer à certains standards, et ces standards ont été construits par des hommes. On l’observe aussi dans les entreprises : lorsqu’il y a une ouverture de poste, les mecs sont les premiers à aller dans le bureau du R.H., même s’ils détiennent à peine 20-30% des compétences pour le job, alors qu’une femme pensera que si elle « mérite le job », on viendra la chercher – elles attendent en général d’avoir 80% des compétences pour postuler. C’est le syndrome de la bonne élève. Cela creuse un fossé social entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.

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Ce fossé social se retrouve donc automatiquement dans l’entrepreneuriat.

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Bien sûr ! Toute l’autocensure se retrouve chez les entrepreneures. Et la censure aussi. Après de manière pragmatique : devenir entrepreneur.e c’est aussi une mise en danger, financière, sécuritaire etc…. En l’état actuel de l’avancement de l’égalité Femmes/Hommes, les femmes sont bien moins « équipées » que les hommes : 10% d’écart salarial à poste équivalent (25% au global), elles continuent d’avoir des postes moins qualifiés, moins bien payés, restent responsables des 2/3 du « travail domestique » dont les enfants… Tout cela pèse au moment de se lancer.

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Concernant les levés de fonds, sur les 717 startups françaises ayant levé des fonds en 2017, 104 ont une femme à leur tête. Ton avis sur le sujet ? 

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J’en discutais justement il y a peu lors d’une rencontre avec Rachel Vanier (Directrice communication de Station F). On se posait la question de savoir pourquoi les femmes lèvent moins souvent de fonds, pourquoi quand elles le font, elles lèvent moins d'argent, etc… En fait, est-ce vraiment ça l’important ? On a fixé qu’il fallait lever des fonds de malade dans les startups, que c’était l’objectif à atteindre. Je ne suis absolument pas persuadée que la levée de fonds soit garante du succès d’une start-up, voire même au contraire c’est souvent qu’elle n’a pas trouvé son business model ou alors tout simplement qu’elle a besoin de gros investissements pour démarrer. Finalement n’existe-t-il pas un nouveau modèle d’entrepreneuriat, qui est aujourd’hui porté par les femmes, mais sans qu’on puisse dire que ça soit féminin, et donc dévalorisé ou dévalorisant ?

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Penses-tu que les quotas ou la coercition soient nécessaires pour plus de mixité dans notre société ?

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Oui, c’est devenu indispensable. Même si ça ne fait plaisir à personne, et même pas aux femmes qui en bénéficient, puisqu’elles doivent redoubler d’efforts pour prouver qu’elles n’ont pas volé leur place et qu’elles sont légitimes pour le poste. Mais typiquement, quand aucune règle n'impose la mixité, il ne se passe rien. Avec la loi Cope Zimmermann, on a réussi à avoir 40% de femmes dans les Conseils d’Administration des grandes entreprises. Par contre quand on regarde, les comités exécutifs des boites du CAC 40, seulement 11% de femmes sont présentes. Parce qu’il n’y a pas de quota, donc on ne fait pas « l’effort ».

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Que penses-tu des initiatives d’espaces dédiés aux femmes type espaces de coworking, réseaux de femmes entrepreneures ?

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Les espaces de « non-mixité » qui ont eu leur intérêt à une certaine époque et qui persistent aujourd’hui sont surtout là pour créer un safe space pour ces femmes qui entreprennent, même s’il y a une vraie réflexion à mener sur le côté couveuse qu’ils peuvent représenter. A contrario, je suis vraiment contre les initiatives telles que « les transports pour femmes » (les rames de métros réservées pour les femmes ou les VTC) : même s’il y a un aspect « sécuritaire » évident, cela renforce une fois de plus l’idée que les femmes n’ont pas leur place dans l’espace public au même titre que tout le monde et qu’il n’est pas possible de vivre en mixité dans ces lieux-là !

 

Je termine volontairement ma retranscription sur cette phrase. J’ai l’intime conviction, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé de « traiter » ce sujet, qu’il s’agit avant tout d’une question de respect.

Respect que vous n’avons eu de cesse de perdre les uns envers les autres.

Femmes et hommes sont différents, ne fonctionnent pas de la même manière, mais est-il difficile de tendre, voir d’arriver à une égalité sociale ?

Avons-nous les moyens, face aux enjeux mondiaux, de nous passer de 50% de la population ?

Eléments de réponse dans ma thèse en fin d’année.

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