Internet : sommes nous devenus plus savants ou plus idiots ?

Internet, ou la tête dans les nuages et les mains sur le clavier.

Temps de lecture : 10min

Article disponible en audio :

 

 

Souvenez vous il y a quelques années sans Internet…

Vous aviez une question sur l’espérance de vie d’une tortue des Galapagos ou sur le fonctionnement d’un moteur à explosion , vous alliez spontanément dans votre bibliothèque consulter un des volumes des Encyclopédies Bordas, Larousse ou encore Universalis :

Ok! je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre…

L’information, le savoir, la connaissance; autant d’éléments auxquels nous n’avons cessé d’avoir de plus en plus facilement accès depuis près de trois décennies.

  • Comment internet a-t-il révolutionné l’accès à l’information ?
  • Cet outil nous a-t-il rendu plus intelligent, plus savant, ou au contraire plus dépendant d’une technologie sclérosante ? 
  • Notre cerveau, notre mémoire est-elle en train de s’affaiblir ?

Autant de questions qui méritent qu’on se penche un peu plus en détail sur le sujet. Et vous allez voir que le bilan n’est pas forcément négatif.

 

> Internet, rapide focus sur le pourquoi du comment

Naissance et développement d'Internet
Naissance et développement d’Internet

 

J’ai regroupé dans cette infographie, les éléments les plus significatifs qui expliquent d’où provient ce réseau mondial.

 

 

 

Grosso modo ce que je retiendrai sur le sujet, c’est qu’Internet (anciennement ARPAnet) est né aux USA de la volonté, en pleine guerre froide, de pouvoir assurer la pérennité de la communication d’informations par le biais d’un réseau décentralisé à plusieurs nœuds.

 

 

« Ouh là, je sens que je vous perds là… »

Bref, l’objectif premier d’Internet est donc bien de permettre un accès plus facile à l’information et à la communication entre les personnes et ce, quelle que soit sa nature. (envoi du premier mail en 1971)

Pour ceux qui souhaitent creuser le sujet, je vous invite à lire cet article très complet de Internet Society => ici.

 

> La révolution des Autoroutes de l’info

 

C’est bien l’avènement d’Internet dans les années 90 et l’annonce publique du World Wide Web en 1991 qui a révolutionné notre façon de communiquer et d’accéder à l’information.

Ce qui me semble le plus flagrant réside certainement dans le fait que l’information, au sens actualité, était par le passé systématiquement imposée aux personnes (télévision, presse, radio), sans que ces dernières ne puissent choisir délibérément l’information à laquelle il souhaitait accéder.

Aujourd’hui, et grâce aux moteurs de recherche (Google, Bing, Yahoo, etc) nous allons nous-même chercher l’information qui nous intéresse de façon précise, obtenant ainsi une certaine forme de liberté dans notre rapport à l’information.

Petit flashback pour les nostalgiques : archive ina.fr – reportage france2

 

> Une technologie qui évolue sans cesse

« Aussi vite qu’au Far-west, il suffit de dégainer son smartphone »

Ce qui fait que notre consommation quotidienne et notre changement de rapport vis à vis de l’information ait tant évolué ces dernières années, est intimement lié à l’augmentation exponentielle des outils technologiques connectés au réseau.

Ainsi, la miniaturisation et la démocratisation de l’informatique (cf loi de Moore) jusqu’à l’omniprésence actuelle des Smartphones nous donne un avantage certain face à notre désormais courte période d’ignorance relative à une question qu’on se pose.

Autre aspect technologique non négligeable dans ce changement : la rapide fiabilisation et augmentation de la vitesse de connexion au réseau Internet (haut débit, fibre, 3g, 4g et bientôt 5g) qui ne peut que conforter nos usages en la matière, nous permettant d’aller toujours plus vite, et d’avoir accès à un contenu toujours plus riche en photos (flick), vidéos (YouTube, Vimeo, Dailymotion) et podcasts (Soundcloud) et cela peu importe où on se trouve.

 

Pénétration Internet dans le monde (janv2017)
Pénétration Internet dans le monde (janv2017)

 

 

> Mais quid de ces changements sur notre mémoire ?

« Tout un chacun ou presque peut désormais tenir entre ses mains un équivalent numérique de la Bibliothèque Nationale de France, laquelle contient environ 14 millions d’ouvrages » indique Jean-Gabriel GANASCIA, professeur d’informatique à l’UPMC et chercheur LIP6 (Laboratoire d’Informatique de Paris 6)

 

Alors puisque le web devient la super mémoire du monde et que l’information est disponible facilement, partout, et à tout moment (pourvu qu’on ait un peu de batterie), je me suis posé la question de savoir si l’absence d’effort, tel qu’on l’entend quand on est obligé de structurer sa pensée pour accéder à l’information, ne serait pas enclin à nous rendre finalement plus idiot.

Même si les avancées scientifiques en la matière peinent à nous fournir des preuves irréfutables, il est prouvé que quand on vit moins dans l’instantané, l’intelligence peut développer une pensée plus élaborée.

Selon le très sérieux statisticsbrain, à cause des outils numériques « la capacité d’attention de la personne moyenne a chuté de 40% depuis 2000 » (attention je parle bien ici de la capacité d’attention pas de la mémoire).

En outre, nous nous dépossédons de plus en plus d’éléments de notre mémoire comme les numéros de téléphone, les adresses, règles d’orthographe et de calcul mental, en nous reposant sur les différents outils que nous avons à portée de main.

Ainsi les trous de mémoire, que l’on attribue d’habitude aux personnes âgées, deviennent selon une étude récente, de plus en plus courants chez les jeunes.

En 2013, un sondage national de Trending Machine montre que les membres de la génération Y sont plus enclins à oublier quel jour nous sommes que les 55 ans et plus (15% contre 7%) et par exemple où ils ont posé leurs clés (14% contre 8%)

 

> Les stimuli du Web qui nous déconcentrent

« Le temps de traitement d’une information visuelle est augmenté de plus de 30% devant un écran ! » 

« En condition habituelle, lorsqu’il lit, l’œil humain ne peut distinguer que quatre à six signes à la fois lors d’une fixation oculaire qui dure environ 250 ms. Devant un écran, l’œil s’affole. Les signes sont beaucoup plus nombreux en termes de formes et de couleurs, ils surgissent, vous captent, sont furtifs et vous demandent une attention accrue. » affirme Thierry BACCINO, professeur de psychologie cognitive et ergonomique.

 

En 2008, une étude de l’université de Californie (l’UCLA) a scanné le cerveau de 24 personnes qui faisaient des recherches sur Google.

Les scientifiques ont trouvé que ceux qui utilisaient le plus Google avaient une plus grande activité cérébrale, plus particulièrement dans le cortex préfrontal, siège de la conscience et que nous utilisons pour prendre des décisions.

La même étude, a mis en exergue le fait que ceux qui avaient le moins d’expérience sur Google et a qui il a été demandé d’utiliser Internet une heure par jour, ont vu une modification de leurs schémas cérébraux : au bout de cinq jours seulement l’activité de leur cortex préfrontal avait augmenté.

L’omniprésence de stimuli visuels (photo, couleur, lien hypertexte) impose à notre cerveau un choix permanent: cliquer ou ne pas cliquer ?

Comme ce dernier est sans cesse interrompu pour prendre une décision, vous ne vous perdez pas dans le texte, et donc l’information devient très rarement une connaissance profonde.

 

Comme Nicholas CARR l’explique dans son livre :  « The Shallows: What the Internet is Doing to Our Brains » (Prix Pulitzer 2011 catégorie « Général Nonfiction ») – « la redirection de nos ressources mentales, de lire des mots vers prendre des décisions, peut sembler imperceptible –nos cerveaux sont rapides– mais il est prouvé qu’elle entrave la compréhension et la mémoire surtout quand elle est répétée fréquemment. »

 

> Internet : Mémoire Vive vs Mémoire de Long Terme

 

Selon une autre étude du Journal of Digital Information, les personnes qui lisent des documents contenant de l’hypertexte ne retiennent pas autant d’informations que ceux qui ont des textes sans liens.

Comme l’explique une étude publiée dans le magazine Science en 2013 , lire un bon bouquin est moins stimulant d’un point de vue neuronal, mais c’est une bonne chose puisque le cerveau peut transférer l’information de notre mémoire vive à notre mémoire de long terme.

C’est cette mémoire de long terme qui nous permet de mettre en perspective nos connaissances, de prendre du recul et de penser (raisonner) en conséquence.

 

> Une inquiétude à relativiser

« Il est peu probable que l’usage d’Internet modifie le câblage même de notre cerveau et que l’on voie apparaître, par exemple, une nouvelle aire cérébrale dédiée au Net. » dixit Jean-Philippe Lachaux, spécialiste de l’attention au Centre de recherche en neuroscience de Lyon.

Même si Internet pourrait très certainement affaiblir notre mémoire en nous libérant de certains éléments à retenir, il semblerait bien que le web contribue à une autre composante de notre mémoire : La mémoire de travail visuelle.

C’est elle qui permet de stocker et de manipuler des images perçues à court terme.

Je m’explique :

La mémoire de travail est un modèle de la mémoire à court terme, elle nous permet de stocker et de manipuler temporairement des informations afin de réaliser telle ou telle tâche. Elle est donc impliquée dans les actes les plus simples de la vie quotidienne comme réaliser deux actions en même temps (l’une des deux doit être automatique).

Par exemple se souvenir d’un numéro en attendant de le noter ou se diriger vers un point précis. Mais c’est elle également qui participe à nos interactions sociales (suivre le fil d’une conversation par exemple), ainsi qu’à la prise en compte de facteurs additionnels dans la résolution de problèmes complexes.

 

> Internet : la technologie d’augmentation cérébrale la plus puissante du 21ème siècle

 

Pour conclure, force est de constater que l’homme, conscient que sa mémoire est limitée, a toujours cherché à augmenter ses capacités en se servant de supports physiques (grottes, toiles, livres, supports numériques)

Les années 2000 et le flot d’innovations technologiques issues de cette période, nous permet aujourd’hui d’accéder à tout moment à l’ensemble des informations dont nous avons besoin.

L’enjeu aujourd’hui n’est pas de savoir si l’information est disponible, mais comment puis-je structurer ma recherche pour avoir une réponse le plus rapidement possible.

Cette « instantanéité » influe forcément sur notre degré de patience à obtenir l’information souhaitée.

Cependant, et si ces nouveaux usages changent irréfutablement notre façon de penser, l’histoire nous prouve que l’Homme, et donc son cerveau, possède une incroyable capacité d’adaptation.

En outre, le web est un formidable outil de travail collaboratif, qui nous permet de communiquer de façon plus simple et plus rapide; de partager les savoirs et de nous rendre plus conscient de notre histoire et de ce qui nous entoure.

L’enjeu majeur de l’utilisation du web est surtout lié au contenu que nous allons y chercher et aux « distractions » auxquelles notre esprit est sans cesse confronté sur la toile.

Ceci étant : il semblerait bien que si tu as besoin de quelque chose : « Google is your friend !!! »

 

Sources :

 

Scoop.it

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.